RENCONTRE AVEC PETER MURRAY KERR

Peter Murray Kerr pour My Monaco
Peter Murray Kerr - Résident Britannique - Directeur de MooringSpot

Pour ce tout 1er rendez-vous mensuel, je suis très heureuse de vous présenter un « presque vrai Monégasque », j’ai nommé Monsieur Peter Murray Kerr. Peter est ce qu’on appelle ici un « Enfant du Pays », même s’il ne se qualifie jamais en ces termes car cela n’a pour lui « aucune signification administrative ». Premier membre de sa famille à être né à Monaco, Peter y a passé toute son enfance. Pourtant, il n’a pas la nationalité monégasque. Non, en réalité il est Britannique et très attaché à son pays d’origine, l’Écosse. Un double attachement donc, puisque comme tous les « Enfants du Pays », il est aussi viscéralement attaché à la Principauté. D’ailleurs, après plusieurs années loin d’elle « pour voir le monde », c’est ici qu’il a finalement choisi de s’établir. Partir, comme pour mieux revenir…

À 35 ans, Peter vit à Monaco. Il en est « Résident Privilégié », tel qu’indiqué sur sa carte de séjour. Il y a créé sa propre société de Yachting, MooringSpot, spécialisée dans les emplacements de bateaux en Méditerranée. Par ailleurs très actif dans la vie associative, il est aussi trésorier de l’Association « Young Professionals Yachting Monaco », qui aide les jeunes à poursuivre leur carrière dans le Yachting, « un monde relativement fermé » selon lui.

Pour la non initiée à la Principauté que je suis, Peter représente presque à lui seul toute la singularité de Monaco, ce tout petit pays où se côtoient chaque jour Monégasques et gens du monde entier. Pour lui, « vivre ici est une chance » : le privilège de profiter d’un environnement unique, tout en préservant son identité. Il s’est confié avec beaucoup de sincérité et de cœur sur ses souvenirs, sa vie d’aujourd’hui et son lien si particulier avec la Principauté. Voici un peu de « SON » Monaco, en 7 questions/réponses…

Merci encore à Peter et excellente lecture à tous,

 

Intro By Alex.

 

 

MY MONACO… By Peter Murray Kerr

 

1 – Monaco et vous…

Je suis né à Monaco, j’y ai grandi, et j’y travaille, je suis donc une personne active à Monaco. Cela dit, je suis un Résident Étranger, un immigré. Je n’ai pas la nationalité monégasque. C’est assez amusant car cela surprend souvent les gens, et notamment les Français, pour qui il est normal d’avoir la nationalité du pays dans lequel on vit. Je corrige régulièrement mes amis Parisiens qui m’appellent « le Monégasque ». Pour eux, cela signifie que je viens de Monaco. Pour nous, ici, un/une Monégasque est un ressortissant de la Principauté. À Monaco, il n’y a pas de droit du sol donc c’est très différent. Il n’y a pas de processus d’intégration comme on l’observe dans d’autres pays, bien plus vastes. Et ça peut se comprendre. Cette nation se serait noyée jusqu’à sa disparition si elle avait intégré toutes les personnes arrivées à Monaco depuis un siècle.

Je suis un Résident Étranger, un immigré.

Les Monégasques – je parle ici de ceux qui ont la nationalité – ne représentent qu’un petit quart des habitants. C’est une petite nation – et je fais référence à leur nombre – très soudée, qui s‘apparente à une vraie « Famille ». On n’intègre pas n’importe qui dans son cercle familial. Chaque année par exemple, les Monégasques se retrouvent entre eux dans un parc de Monaco pour un grand pique-nique, auquel participe le Prince. C’est quelque chose que je trouve assez merveilleux. Où, dans le monde, une nation toute entière peut-elle se targuer de partager un repas avec son Chef d’État en tête de table ? Nulle part ailleurs ! Et ce n’est qu‘un exemple des différents événements annuels exclusivement « entre Monégasques ».

Quand on grandit à Monaco et qu’on est Résident Étranger, on nous apprend évidemment dès la maternelle, comme à tous les autres élèves, la culture monégasque, son héritage, son histoire, ses valeurs… Mais on nous apprend aussi dès notre plus jeune âge que, contrairement à d’autres enfants dans la classe, nous ne sommes pas Monégasques et ne le serons jamais. Je comprends que ça puisse étonner certaines personnes, pourtant il me semble que c’est la plus grande chance que Monaco m’ait donnée. Grâce à cette forme d’intégration, j’ai une culture très riche. Monaco m’a beaucoup appris. Ne pas être Monégasque ne m’a pas empêché d’intégrer les valeurs de ce pays – j’ai notamment appris la langue monégasque, le sens de la famille, de l’amitié, le sens de la joie de vivre, et du dépassement de soi – mais en parallèle, les Monégasques m’ont incité à préserver mon héritage britannique. Mon pays d’origine, je l’ai d’abord connu par ma famille, par les livres, puis les voyages, les vacances et mes études. Je vis en harmonie avec les sujets du Prince, tout en restant un fier sujet de Sa Majesté. Il m’arrive souvent de rencontrer des Anglophones qui me complimentent sur mon niveau de français, ne suspectant pas que j’ai vécu dans ce monde francophone bien plus longtemps que dans mon propre pays.

Monaco m’a beaucoup appris. 

Couverture BD "Histoire de Monaco" (M. Bourgne)

Marc Bourgne – Editions Dargaud

Voici une anecdote qui m’a frappé et qui résume beaucoup de choses selon moi : Quand j’étais au lycée, SAS le Prince Rainier III, alors Prince Souverain et passionné à la fois par l’histoire et par son pays, a fait imprimer à ses propres coûts une bande dessinée racontant l’histoire de Monaco aux enfants [Histoire de Monaco – Marc Bourgne – Éditions Dargaud]. Tous les élèves de la Principauté l’ont reçue en cadeau en 1997, à l’occasion du 700ème anniversaire de la dynastie des Grimaldi. À l’intérieur, dans la préface, il y a une citation de SAS le Prince Rainier III :
« Cela pourra paraitre excessif à certains, mais aimer son pays n’est-ce pas le meilleur moyen d’aimer son voisin ? ».

 

Cette citation résume parfaitement ce qui fait la cohésion entre les habitants de la Principauté. Les Monégasques sont très fiers de leur pays et ils ont raison de l’être. C’est un excellent exemple de patriotisme. Ils le crient tellement haut et fort que quand on grandit à Monaco sans être Monégasque, on se pose forcément un jour la question : « C’est quoi mon pays à moi ? Devrais-je en être fier aussi ? ». Je sais que ce n’est pas évident pour tous les enfants. Ça peut créer un sentiment de frustration chez certains. Pourtant c’est grâce à l’attachement des Monégasques à leur Principauté qu’on développe aussi le nôtre envers notre propre pays. À chaque fois que l’on m’enseignait quelque chose sur l’histoire de Monaco, j’avais ensuite ce désir d’apprendre ce qui se passait pendant ce temps dans mon pays. Et puis, on n’est jamais très loin de son pays ici. Il y a tellement d’expatriés. On se connaît presque tous, entre Britanniques, et plus largement entre Anglophones.

Les Monégasques sont très fiers de leur pays et ils ont raison de l’être.

 

2 – Monaco en quelques mots…

D’un point de vue population, je vois Monaco un peu comme un terminal d’aéroport international : nous sommes tous de nationalités différentes, et nous sommes nombreux ici à n’être que de passage, même si c’est parfois pour plusieurs décennies. Ça n’empêche pas les autochtones d’être fiers de leur pays et que toutes les nations présentes se respectent entre elles.

Pour parler de Monaco, j’aimerais aussi citer Marcel Pagnol, qui était très attaché à la Principauté. C’est d’ailleurs une citation que l’on peut toujours voir aujourd’hui sur une stèle du jardin de la Place des Moulins et qui pour moi résume parfaitement une des particularités de la vie en Principauté :

“Ici les arts peuvent vivre encore
À l’ombre de l’olivier sur le bord de la mer latine
Là où l’autorité d’un seul garde la liberté de tous”

Stèle du Square Marcel Pagnol avec citation

Stèle du Square Marcel Pagnol, Place des Moulins.

On voit la maitrise des mots et du vocabulaire ! Pour moi cette dernière phrase “Là où l’autorité d’un seul garde la liberté de tous” en dit long. Et encore plus aujourd’hui où j’entends beaucoup de gens dans le monde qui ne croient plus en la politique, en leur gouvernement. Étant Britannique, je n’ai évidemment aucun droit de vote à Monaco. Pour autant, en ai-je vraiment besoin ?

Je suis libre ici. Si un jour je n’étais pas d’accord avec le Gouvernement Princier, je n’aurais qu’à m’en aller. Il y a un Prince, qui a la lourde responsabilité d’assurer le bien-être de son peuple et des habitants. Il n’a pas comploté ou fait de compromis pour occuper cette fonction. Il y était destiné dès sa naissance et dès lors a été formé pour remplir ce rôle. Il occupe cette fonction en vrai Chef d’État, mais, peut-être grâce à l’exiguïté du territoire, il agit aussi avec la réactivité et l’efficacité d’un PDG de multinationale. Attention, n’allez pas croire que je suis royaliste. Je n’aimerais certainement pas voir un même système dans mon propre pays. Ça ne fonctionnerait pas. Je suis pragmatique. Manifestement, le système monégasque marche et est parfaitement adapté aux besoins et à l’échelle de la Principauté.

 

3 – Monaco en 1 mot…

Pas simple en 1 mot ! Mais disons en 2 : “village cosmopolite”.

 

4 – Ce que vous préférez à Monaco…

On parlait à l’instant de « village cosmopolite »… Ce que j’apprécie justement à Monaco, c’est que j’ai un peu des 2 mondes que j’aime. J’ai adoré vivre dans des grandes villes cosmopolites comme Paris, Londres ou Dubai, mais ce qui me manquait à chaque fois c’est la chaleur humaine qui se dilue dans ces villes aux populations massives. J’aime le côté cosmopolite, le brassage des cultures, la diversité des choses à découvrir, mais j’aime le type de proximité que l’on peut trouver par exemple dans le village où vit ma grand-mère. À Monaco, je retrouve ces deux éléments. On vit dans un environnement international et dynamique, mais on sait aussi prendre soin les uns des autres. La seule fois que j’ai vu quelqu’un par terre sur un trottoir à Monaco, c’était une vieille dame qui venait de tomber. Avant même que j’arrive à l’atteindre, il y avait déjà 4 personnes qui l’aidaient à se relever.

À Monaco,  j’ai un peu des 2 mondes que j’aime.

Par ailleurs, il est très facile et rapide de se déplacer puisque tout peut se faire à pied. Temps maximal pour traverser le pays à pieds : 30 minutes ! Pas besoin de passer des heures dans les transports. C’est donc bien ça : un vrai « village cosmopolite ».

 

5 – Ce qui vous énerve le plus à Monaco…

Sur le port Hercule, il y a plein de bars, de boites et d’endroits sympas où aller. Mais c’est un peu la guerre du son le soir. En début de soirée pour l’happy hour, ça va encore. Ensuite un DJ commence à monter le volume. Ses voisins se sentent alors obligés de faire de même. Petit à petit, à partir de 21h, c’est difficile d’avoir une conversation avec ses amis. C’est bien pour danser mais pas pour discuter ou s’entendre penser. Dommage, la plupart du temps j’aimerais rester un peu plus longtemps ; mais je pars car je tiens à mes tympans et à ma voix. En plus Monaco a un relief en amphithéâtre – ce qui est génial d’ailleurs quand il y a des feux d’artifices – donc depuis les hauteurs de la ville, on arrive à entendre cette cacophonie et ces basses, et nous sommes nombreux à subir ces nuisances jusqu’à chez nous… Je pense que ça pourrait être mieux géré.

 

6 – Votre adresse préférée dans la Catégorie…
… Restos / Bars

Pour manger : Il y a un endroit vraiment génial, original, et relativement récent, c’est la Halle Gourmande du Marché Couvert, située sur la Place d’Armes. C’est convivial, bon, frais, très varié en terme de nourriture. On peut retrouver ses amis, chacun mange ce qu’il veut en allant chercher son repas aux différents stands et on se retrouve au milieu.

Pour boire : Pour moi le Mc Carthy’s, rue du Portier au Larvotto, est une institution. J’y vais depuis que j’ai l’âge de boire. Pour moi c’est LE pub de Monaco. Et je suis Britannique donc je m’y connais (Rires…).

… Shopping

Je ne fais pas beaucoup de shopping en général. Et je dois avouer que je ne fais jamais de shopping à Monaco. À vrai dire, j’achète la plupart de mes vêtements aux Royaume-Uni, quand j’y passe. Ici on trouve plutôt des boutiques de Luxe et ce n’est pas trop mon genre. Même si je vis bien, je ne suis pas richissime. Il y a des gens aux revenus normaux qui vivent ici, il ne faut pas l’oublier ! En même temps je suis Écossais, près de mes sous, alors je ne suis pas une référence en matière de shopping (Rires…).

… Culture / Loisirs

Je suis un peu mélomane et je dois dire qu’on a de la chance à Monaco, avec un Orchestre Philharmonique de haut niveau. La « mini » Salle Garnier de l’Opéra de Monte-Carlo est selon moi mieux qu’à Paris, parce qu’étant plus petite, on se sent comme un VIP, très privilégié. On a l’impression de pouvoir toucher les décors et les artistes. De plus, l’été, l’Orchestre Philarmonique donne un nombre limité de concerts dans la Cour d’Honneur du Palais. Ça, c’est quelque chose qui vaut le détour ! J’y vais presque tous les étés. C’est ouvert à tous, ce n’est pas hors de prix, et c’est une expérience vraiment géniale.

Juste une petite note à ceux qui iront l’été prochain : n’y allez pas trop nombreux pour qu’il me reste des places (Rires…), habillez-vous un minimum correctement – costume et cravate obligatoire pour les hommes, même s’il fait 35°C – et surtout ayez conscience que vous êtes dans la résidence personnelle de la Famille Princière, alors ne vous prenez pas en selfie comme des idiots. D’ailleurs les photos sont interdites dans l’enceinte du Palais. Les carabiniers surveillent, mais leur rôle est d’assurer la sécurité du Prince et de sa famille. Soyez respectueux et appréciez le moment à sa juste valeur.

… Beauté / Bien-être

À Monaco, il y a plein de petits parcs cachés où il n’y a jamais personne. Là où je fais mon footing au-dessus du Larvotto, il y a des jardins cachés entre la route et les gratte-ciel, où je peux pratiquer en toute sérénité le Tai Chi et enchaîner les 24 postures. Mon moment détente à moi.

 

7 – Une anecdote à partager ?

Il y une multitude d’anecdotes qui pourraient être amusantes. Lorsque l’on a vécu un certain temps à Monaco, on développe une certaine insensibilité à la fois au luxe ostentatoire mais aussi aux célébrités qui arpentent les rues, comme des personnes ordinaires.

Souvent quand j’ai des amis venus d’ailleurs qui me rendent visite, alors que nous nous promenons, je remarque qu’ils sont restés derrière moi, agglutinés à une voiture de sport dernier-cri. À Monaco, c’est normal qu’il y ait ces voitures un peu partout. Je ne les remarque plus. Je retourne sur mes pas et dis alors à mes amis qu’on peut continuer à marcher… il y a la même un peu plus loin en version décapotable !

De même, c’est normal de croiser des célébrités. On ne va pas les importuner à chaque fois pour leur demander un autographe. Ce sont des célébrités certes, mais ce sont des personnes avant tout. Elles font leurs courses au supermarché elles-mêmes souvent, promènent leurs chiens, amènent leurs enfants au parc… Normal. Comme tout le monde ici, ces gens font partie du « village ». Leurs visages nous sont familiers, comme le visage de tous ceux qui vivent à Monaco. Ici, une célébrité peut vivre tranquillement, sans être pourchassée par les foules.

 

MY MONACO… By Peter Murray Kerr.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *